Mise à disposition par une entreprise de véhicules à ses employés : le régime de TVA précisé
Un rescrit, en date du 30-4-2025, précise les conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la décision prise par une entreprise de mettre des véhicules à la disposition de ses salariés pour un usage tant professionnel que privé.

Sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (CGI art. 256). La mise à disposition d’un bien meuble corporel constitue une prestation de services. Toutefois, une prestation de services, telle que la mise à disposition d’un véhicule n’est effectuée « à titre onéreux », et n’est dès lors taxable, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire. Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue.
Dans les relations entre un employeur et son employé, la mise à disposition par l’employeur d’un véhicule acquis ou loué par l’entreprise ne constitue une prestation de services rendue à titre onéreux qu’en présence d’une contrepartie stipulée.
À défaut, la mise à disposition n’est pas une prestation effectuée à titre onéreux en tant que telle. Elle peut néanmoins, dans certains cas, être assimilée à une telle prestation en application du 2 du II de l’article 257 du CGI transposant l’article 26 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28-11-2006 modifiée relative au système commun de TVA.
Dans un rescrit en date du 30-4-2025, l'administration fiscale précise les règles de TVA applicables à de telles prestations concernant notamment la territorialité, la base imposable et les droits à déduction, au regard de la jurisprudence européenne.
Mise à disposition d’un véhicule en présence d’une contrepartie stipulée
Une contrepartie stipulée
Lorsque la mise à disposition d’un véhicule fait l’objet d’une contrepartie contractuellement stipulée entre la société et son salarié, elle constitue une prestation de services à titre onéreux en tant que telle au sens du c du paragraphe 1 de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28-11-2006 modifiée (CJUE 20-1-2021 aff. C-288/19). Au regard de la jurisprudence européenne, il est indifférent que :
- la stipulation prenne place dans un contrat ad hoc ou dans une clause du contrat de travail lui-même (CJUE 20-1-2021 aff. C-288/19) ;
- la contrepartie soit le versement d’une somme ou d’un équivalent consistant, pour le salarié, à renoncer à une fraction précise de son salaire ou à un autre avantage identifié que lui proposait son employeur en vertu d’un contrat (CJUE 20-1-2021 aff. C-288/19) ;
- le montant de la contrepartie soit égal, supérieur ou inférieur aux coûts que l’assujetti a encourus dans le cadre de la fourniture de sa prestation (CJUE 11-3-2020 aff. C-94/19) ;
- la mise à disposition puisse, le cas échéant, constituer pour le salarié un avantage en nature taxable à l’impôt sur le revenu. Pour le juge européen, l’existence d’un tel avantage, évalué pour le calcul de l’impôt sur le revenu, ne saurait être assimilé à un loyer aux fins d’application de la TVA (CJUE 11-3-2020 aff. C-94/19 et CJUE 18-7-2013 aff. C‑210/11 et C‑211/11).
En pratique, l’administration considère qu’une contrepartie stipulée existe entre l’employeur et le salarié pour la mise à disposition d’un véhicule, notamment dans les cas suivants :
- le prélèvement sur son salaire brut ou net. En effet, dans un cas comme dans l’autre, le salarié renonce à une fraction de sa rémunération en argent en échange d’un avantage individualisé, au cas particulier la mise à disposition du véhicule ;
- le prélèvement sur son salaire et l’utilisation d’un crédit de points convertible en salaire supplémentaire. Dans ce système, le salarié dispose d’un capital de points qui lui permet de choisir un modèle de véhicule plus ou moins haut de gamme. Lorsque le salarié dépasse son budget, lequel est constitué par le prélèvement sur son salaire brut et la mobilisation totale de son crédit d’utilisation, un prélèvement supplémentaire est opéré sur son salaire net. Lorsque le salarié reste en-deçà de son budget, il a la possibilité de convertir le crédit inutilisé en argent sous la forme d’un surcroît de salaire ou bien d’utiliser ledit crédit le mois suivant. Dans ces deux situations, le salarié renonce bien à une partie de rémunération ;
- l’utilisation d’une somme allouée par l’employeur convertible en salaire supplémentaire. Le salarié qui décide de bénéficier d’un véhicule d’entreprise dans de telles conditions renonce à un surcroît de rémunération, élément qui suffit à caractériser l’existence d’une prestation de services à caractère onéreux.
Régime de la TVA applicable
Territorialité de la mise à disposition du véhicule. Lorsque la société et les salariés sont situés dans deux États membres de l’Union européenne (UE) distincts, cette prestation de services à titre onéreux, considérée en tant que telle, s’analyse comme une location de longue durée d’un moyen de transport rendue à un non-assujetti. Elle relève donc de la règle de territorialité selon laquelle l’opération est taxable dans l’État de résidence des employés (Dir. 2006/112/CE du 28-11-2006 modifiée transposée à l’article 259 A du CGI en son article 56).
Base d’imposition. Elle est constituée par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le prestataire en contrepartie du service qu’il rend (CGI art. 266). Ainsi, la base imposable est constituée, selon ce que prévoit le contrat, du montant du loyer exigé ou bien de la fraction du salaire à laquelle le salarié a renoncé.
À noter. L’employeur est réputé avoir déterminé le montant de la contrepartie de la mise à disposition du véhicule en tenant précisément compte de l’utilisation partiellement personnelle qu’en fera son salarié. Il n’y a donc pas lieu, pour déterminer la base imposable à la TVA, d’appliquer un quelconque abattement selon la durée d’utilisation effective.
Modalités de paiement de la taxe. Lorsque le salarié et l’employeur résident en France et que ce dernier met à disposition du premier un véhicule en échange d’un loyer ou d’un équivalent stipulé, la TVA due en France est déclarée et payée dans les conditions de droit commun fixées par l’article 287 du CGI.
Lorsque le salarié réside en France et que l’employeur qui lui met à disposition un véhicule en échange d’un loyer ou d’un équivalent stipulé est établi dans un autre État membre de l’UE, la TVA due en France peut, sur option, être collectée au moyen du guichet unique (CGI art. 298 sexdecies G). Il incombe alors aux sociétés de se rapprocher de l’administration fiscale de leur État d’implantation.
Bon à savoir. Le guichet One-Stop-Shop (OSS) permet aux entreprises qui optent pour le dispositif de ne plus être tenues de s’immatriculer auprès des administrations fiscales de chaque État membre de consommation pour y déclarer et payer la TVA due mais de la déclarer et la payer auprès d’un seul État membre via le guichet unique OSS.
Conséquences en matière de droit à déduction. Lorsque le véhicule est destiné, dès son acquisition par l’entreprise, à être mis à la disposition permanente, avec contrepartie, d’un de ses salariés, la TVA ayant grevé cette acquisition n’est pas exclue du droit à déduction. En effet, cette taxe est supportée au titre de l’acquisition d’un véhicule destiné à être donné en location (CGI ann. II art. 206, IV-2-6°-b). Par conséquent, elle est pleinement déductible, sans qu’il y ait lieu d’appliquer un quelconque abattement selon la durée d’utilisation privative.
Si le véhicule était affecté, lors de son acquisition, à l’activité générale de l’entreprise et que la TVA ayant grevé cette acquisition a été exclue du droit à déduction, l’affectation ultérieure du véhicule à des activités bénéficiant d’une exception à l’exclusion, notamment l’affectation du véhicule à une activité de location, lui ouvre droit à une déduction (BOI-TVA-DED-60-20-20 n° 20). Cette déduction prend la forme d’une régularisation globale (CGI ann. II art. 207, III) au titre des années restant à courir dans la période de régularisation du véhicule immobilisé.
Mise à disposition d’un véhicule sans contrepartie stipulée
Mise à disposition au profit d’un salarié
Lorsque la mise à disposition permanente d’un véhicule auprès du salarié pour un usage totalement ou partiellement privatif intervient sans aucun prélèvement sur salaire, ni mobilisation d’un quelconque crédit, elle ne constitue pas, faute de contrepartie stipulée, une prestation de location territorialisée dans l’État de résidence du salarié « locataire ». Cette utilisation privative d’un bien d’entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux (CGI art. 257, II-2) lorsque la taxe ayant grevé l’acquisition de ce véhicule a été en tout ou partie déduite (CGI ann. II art. 173).
En revanche, cette assimilation n’a pas lieu d’être lorsque la TVA afférente au véhicule n’a pas été déduite en raison du dispositif d’exclusion du droit à déduction (CGI ann. II art. 206, IV-2-6°), à savoir les véhicules de toute nature conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes : bicyclettes, motocyclettes, véhicules automobiles routiers, bateaux, avions, hélicoptères (BOI‑TVA‑DED‑30‑30‑20).
Ainsi, l’utilisation privative donnant lieu à taxation d’une prestation de services concerne, par exemple, le cas d’une société de location de véhicules qui mettrait un de ses véhicules de son parc locatif immobilisé à disposition d’un de ses salariés sans contrepartie, ou encore, celui de la mise à disposition par une entreprise d’un véhicule de catégorie M du type « DERIV VP » ayant ouvert droit à déduction (ce type de véhicule ne relève pas de l’exclusion du droit à déduction frappant les véhicules conçus pour le transport de personnes ou à usage mixte).
Dans ces situations particulières, la mise à disposition sera alors territorialisée par défaut dans l’État de l’employeur-prestataire conformément au droit commun prévu à l’article 45 de la directive 2006/112/CE du 28-11-2006 modifiée (CJUE 20-1-2021 aff. C-288/19).
Mise à disposition dans l’intérêt de l’entreprise : situation des navettes
Même si l’entreprise peut y trouver un intérêt au regard de la productivité ou de l’attractivité, le transport gratuit qu’elle propose à ses salariés entre leur domicile et leur lieu de travail, au moyen d’un véhicule affecté à l’entreprise, satisfait les besoins privés des salariés et sert donc des fins étrangères à l’entreprise.
Dans la mesure où une telle navette gratuite entre le domicile des salariés et leur lieu de travail ne donne lieu à aucun surcroît de salaire en cas d’inutilisation, le salarié ne saurait être regardé comme ayant renoncé à quoi que ce soit pour en bénéficier. En toute hypothèse, le salarié accomplit son travail pour percevoir le salaire prévu par son contrat de travail et non pour jouir du service de transport. Par conséquent, il n’existe pas de contrepartie ayant une valeur subjective ni de lien direct avec le service de transport fourni, les conditions d’une prestation de services effectuée à titre onéreux ne sont pas réunies (CJUE 16-10-1997 aff. C‑258/95). Dans cette situation, la TVA ayant grevé l’acquisition du véhicule ne peut être déduite. En effet, dans la mesure où le véhicule n’est pas utilisé pour la réalisation d’opérations imposables mais pour la satisfaction de besoins privés des salariés, son coefficient d’assujettissement est égal à zéro (CGI ann. II art. 206, II).
Lorsque le véhicule a été affecté aux activités économiques de l’assujetti lors de son acquisition et pour lequel ce dernier a opéré une déduction totale ou partielle de la TVA grevant cette acquisition, son utilisation privative est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux (CGI art. 257, II-2), et donc soumise à la TVA. La base d’imposition de cette prestation de services à soi-même est déterminée dans des conditions particulières c’est-à-dire qu’elle correspond à la valeur hors taxe des biens, autres que les immobilisations, et des services, nécessités pour la réalisation de la prestation, et qui ont ouvert droit à déduction totale ou partielle au titre de la taxe acquittée en amont (BOI-TVA-BASE-10-20-50 n° 60).
Cas particulier des navettes utilisées par les entreprises multisites ou difficiles d’accès
Lorsque les exigences de l’entreprise, eu égard à certaines circonstances particulières, telles que la difficulté de recourir à d’autres moyens de transport convenables (site de l’entreprise particulièrement difficile d’accès) et les changements de lieux fréquents, commandent que le transport des salariés soit assuré par l’employeur, cette prestation n’est pas effectuée à des fins étrangères à l’entreprise (CJUE 16-10-1997 aff. C-258/95). Dans ces circonstances particulières, la mise à disposition d’un véhicule pour le transport privé des salariés est regardée comme le prolongement de l’utilisation normale par l’entreprise de ses moyens de production. La TVA ayant grevé l’acquisition d’un tel véhicule, dès lors qu’elle comporte, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises, n’est pas frappée d’exclusion du droit à déduction (CGI ann. II art. 206, IV-2-6°-c).
BOI-RES-TVA-000161 du 30-4-2025
Mise à disposition d’un véhicule par l’entreprise : modalités d’évaluation de l’avantage en nature Lorsque l’employeur met un véhicule à la disposition permanente d’un salarié, son utilisation privée constitue un avantage en nature qui doit être évalué pour être soumis à l'impôt sur le revenu ainsi qu'aux cotisations et contributions sociales. L’arrêté du 25-2-2025 (JO du 27) relatif à l'évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale a modifié les règles d’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature véhicule accordé par l’employeur aux salariés selon la date de mise à disposition du véhicule (avant ou à compter du 1-2-2025) et a relevé les montants du forfait annuel pour les véhicules mis à la disposition du salarié depuis le 1-2-2025. Le bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) précise à ce titre que le véhicule est considéré mis à la disposition du salarié à compter de la date d’attribution fixée par l’accord conclu entre l’employeur et le salarié (Boss, Avantages en nature § 770). Ainsi, un véhicule acheté par l’entreprise et attribué à un salarié A avant cette date (le 1-2-2025) bénéficie des modalités d’évaluation applicables aux véhicules mis à disposition avant le 1-2-2025. Si ce véhicule est ensuite restitué par le salarié A et attribué en avril 2025 à un salarié B, les règles d’évaluation relatives aux véhicules mis à disposition depuis le 1-2-2025 s’appliquent. De même, si le salarié A se voit attribuer un nouveau véhicule à compter du 1-2-2025, les règles d’évaluation relatives aux véhicules mis à disposition depuis cette date s’appliquent. Pour les véhicules mis à la disposition du salarié depuis le 1-2-2025, le barème d’évaluation forfaitaire est modifié comme suit :
* Les chiffres entre parenthèses sont les modalités d’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature pour les véhicules mis à disposition avant le 1-2-2025.
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